Financement des Ehpad : faut-il repenser la réforme ?
L’actualité médico-sociale est marquée par le débat autour de la réforme tarifaire des Ehpad. Sa contestation a remis en lumière l’ensemble des problèmes vécus par ces établissements. Evoquant un « système à bout de souffle », plusieurs parlementaires ont exprimé un avis négatif sur la réforme actuelle. Le premier Ministre, Edouard Philippe, a annoncé dernièrement le lancement d’une « stratégie de transformation du système de santé ». Voyons ensemble quelles sont les conséquences de la réforme sur le financement des Ehpad.
Pourquoi veut-on réformer le financement des Ehpad ?
L’objectif de cette réforme, entrée en vigueur en janvier 2017, est de simplifier la formule tarifaire en introduisant une règle de calcul universelle du niveau de dépendance d’ici à 2023. Elle permettra ainsi d’éviter les importantes disparités entre établissements.
Un rapport sur la situation des Ehpad définit plusieurs grandes orientations :
- Il met en avant la crise profonde du modèle de ressources humaines.
- Il propose d’orienter l’offre pour personnes âgées dépendantes vers des structures intermédiaires (maisons de retraite publiques, privées, associatives ou commerciales, et résidences seniors), aujourd’hui sous-représentées. Les tarifs pratiqués par ces structures (hors actes médicaux et repas) se situent bien en dessous du coût médian d’une place en Ehpad en 2016 : 1949 €/mois (source : CNSA).
- La nouvelle tarification n’est pas coordonnée avec la loi ASV (loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement) entrée en vigueur début 2016 sous le mandat de François Hollande, ce qui crée des difficultés.
La loi ASV vise à doter l’ensemble des établissements de nouveaux outils : le CPOM (contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens), et l’EPRD (Etat prévisionnel des recettes et des dépenses) qui lui se substitue aux budgets prévisionnels. Garantissant une plus grande liberté de gestion, le CPOM aurait dû permettre de mieux absorber la réforme tarifaire. Mais cet outil ne sera entièrement opérationnel qu’en 2021, alors que de nombreux Ehpad doivent déjà gérer les conséquences de la réforme tarifaire. Une partie des établissements subit donc une baisse de ses financements, sans bénéficier de la souplesse de gestion promise. D’où la situation tendue et les débats actuels.
Mieux comprendre ce qu’est le CPOM
Malgré la réforme tarifaire engagée par le gouvernement actuel, censée apporter 400 millions €, de nombreuses réticences ont émergées. Des parlementaires soulignent un réel problème d’organisation et un personnel insuffisant. Si la situation est aussi compliquée sur le terrain, cela est avant tout dû au sous-financement global de la dépendance, plutôt qu’à la réforme tarifaire. Il semble donc inévitable de s’orienter vers une refonte profonde du modèle en place.
Le personnel des Ehpad mobilisé
Après la manifestation d’aide-soignants, infirmiers mais aussi directeurs de maisons de retraite et d’aide à domicile, l’intersyndicale menace d’une nouvelle mobilisation. L’entrée en vigueur de la réforme de la tarification des Ehpad depuis le 1er Janvier 2018 a entraîné une baisse de financement et donc d’effectifs pour 1/4 de ces établissements.
L’intersyndicale insiste pour que des « mesures immédiates » soient engagées afin « d’améliorer le quotidien des personnes âgées, à domicile et en établissement, tout comme les conditions de travail des professionnels » (l’application du ratio 1 aidant pour 1 résident, une augmentation des salaires du personnel, une amélioration des carrières et des conditions de travail, etc.).
A défaut de prise en compte de leurs revendications et d’ouverture de négociations avec le gouvernement d’ici le 18 mai 2018, les syndicats appelleront « à une nouvelle mobilisation des professionnels du secteur de la prise en charge des personnes âgées, aide à domicile, Ehpad et hôpitaux gériatriques« .
Quelles sont les solutions en cours de discussion ?
Plutôt que d’imposer les deux réformes simultanément, le rapport propose « de conditionner la seconde à la pleine réalisation de la première« . Il défend ainsi l’idée d’interrompre la mise en œuvre de la réforme tarifaire, pour centrer les efforts sur la mise en place des « CPOM ». La réforme tarifaire serait ensuite poursuivie, avec un nombre de CPOM qui la rendrait plus acceptable.
Suite à ces conclusions, la ministre des solidarités et de la santé s’est montrée défavorable à une interruption de la réforme. Elle reste sur ses positions en indiquant vouloir compenser les effets négatifs grâce aux 28 M€ dédiés aux structures en difficulté.
Une réflexion plus large doit être lancée à la demande du Premier ministre. Elle concerne le financement de l’accompagnement de la société au vieillissement. Une phase de concertation aura lieu jusqu’à mai 2018, dans le but d’obtenir une feuille de route précise avant cet été. Des propositions à suivre de près, pour y voir plus clair quant à l’avenir des Ehpad.