Comment lutter contre l’isolement des personnes âgées ?
Les difficultés causées par l’isolement des personnes âgées ont des répercussions sur toute la société. La crise du COVID a mis en relief l’urgence de développer des réponses pour lutter contre la mort sociale et la souffrance qu’elle engendre.
Explosion de l’isolement des personnes âgées en France
Selon le baromètre des Petits Frères des Pauvres et CSA Research de septembre 2021, 530 000 personnes de plus de 60 ans souffrent d’isolement, ou de “mort sociale”. Ce terme décrit l’absence quasi-totale de contact avec d’autres personnes. Le chiffre a augmenté de 77 % par rapport à 2017. Parmi les plus de 11 millions de personnes de plus de 60 ans en France, 2 millions sont isolées, soit plus du double de 2017.
La crise sanitaire du COVID-19 a profondément aggravé une situation préalablement problématique : l’impératif de protection sanitaire a renforcé l’isolement des personnes âgées, en interrompant les visites de leurs proches, qu’ils vivent chez eux ou en maison de retraite. La crise a aussi creusé la fracture intergénérationnelle préexistante : 720 000 seniors n’ont pas eu de contact avec leur famille durant ces périodes. Une autre étude des Petits Frères des Pauvres de mars 2021 montre que 47 % des personnes habitant en résidence autonomie ou services seniors ont assez bien vécu la période contre 25 % à domicile et 27 % en EHPAD. Et malgré un recours croissant à des moyens technologiques pour maintenir le lien social, force est de reconnaître qu’ils ne remplacent en rien le contact humain de la vie réelle.
Cette période a cristallisé l’image négative de la vieillesse, alors que nombre de seniors ne se reconnaissent pas dans cette fragilité. Et solitude ne signifie pas toujours isolement : 4 personnes sur 10 de plus de 75 ans en France vivent seules, sans nécessairement souffrir d’isolement en raison de leur mode de vie actif.
Causes et conséquences de l’isolement des personnes âgées
L’isolement social est la diminution du nombre et de la fréquence de contacts de qualité vécus par une personne. Sauf perturbation exceptionnelle, la fin de la vie active est un virage périlleux à négocier. La solitude profonde vécue lors de cette étape de la vie peut générer une souffrance mettant la vie en danger.
Causes
L’isolement social est le résultat d’un cercle vicieux : la retraite s’accompagne d’une perte de revenus, et nombre de retraités sont démunis face au manque d’occupation. Ne plus travailler peut signifier passer plus de temps chez soi, et paradoxalement distendre les relations familiales et amicales, surtout si la retraite s’accompagne d’un déménagement. Les personnes éprouvant cette solitude ou des difficultés financières sortent moins et nouent moins de nouvelles relations. La perte d’un proche (conjoint, ami…) ou une rupture dans un cercle relationnel, surtout quand celui-ci est unique, fragilise l’équilibre émotionnel. L’apparition de problèmes de santé fait obstacle à la mobilité, les problèmes visuels et auditifs limitent les sorties, les loisirs et la vie sociale. Vivre dans un habitat inadapté est aussi nuisible à la santé mentale des personnes âgées.
Il existe donc un lien entre l’isolement social et la précarité, encore renforcé pour les personnes en situation de handicap. Les problèmes financiers et de mobilité restreignent l’horizon des personnes isolées.
Conséquences
La difficulté à négocier ce changement de vie provoque une tristesse et un repli sur soi, avec la peur de déranger son entourage pour assouvir ses besoins relationnels élémentaires. La personne isolée perd l’estime d’elle-même et se sent insécurisée : elle ne participe plus à la vie sociale et civile. Elle accède difficilement aux soins, perdant rapidement son autonomie. Dépression et sentiment d’exclusion s’installent. Ils engendrent la peur, la honte face à l’a priori social contre les personnes seules, et une difficulté à se faire accepter pour renouer des liens. Ce contexte crée les conditions d’un véritable risque social aggravant les problèmes de sa prise en charge.
Les risques de développer des maladies physiques et psychiques augmentent, dégradant la qualité de vie :
- sommeil et appétit en sont affectés,
- le manque de soin apporté à sa personne,
- sa santé ou son alimentation nuisent à la santé mentale et physique.
L’inactivité cause le développement de maladies invalidantes comme l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, des troubles cognitifs.
Solutions pour lutter contre l’isolement des personnes âgées
L’un des premiers enseignements est d’anticiper sa retraite pour ne pas subir le choc de l’inactivité et ses répercussions mentales et relationnelles négatives. De nombreuses associations locales permettent d’accéder aux loisirs et de devenir bénévole. Les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) sont les repères locaux à connaître pour se renseigner.
En parallèle, il existe de nombreuses solutions et initiatives sous différentes formes pour venir en aide aux aînés isolés :
- en tant que voisin, proposer son aide, appeler et entamer la conversation dès que possible ;
- certaines associations proposent d’appeler et de rendre visite aux personnes seules pour leur proposer loisirs, jeux de société, organisation de visites, de sorties et de voyages, ou simple conversation ;
- en parallèle de l’aide à domicile et du portage de repas qui contribuent à briser l’isolement, certains services de téléassistance incluent une ligne d’écoute pour les personnes seules ;
- des services d’écoute pour lutter contre la solitude, comme Solitud’écoute des Petits Frères des Pauvres, destinés aux plus de 50 ans, SOS Ecoute et Croix Rouge Ecoute ;
- la crise sanitaire a augmenté l’usage du numérique chez les seniors mais 3,6 millions d’entre eux subissent la fracture numérique. Or, nombre d’applications permettent de se faire aider pour les courses, la mobilité, d’obtenir un coup de main à domicile, à l’apprentissage du numérique etc. Des réseaux tels Ammy, Courseur, Ensembl’ et Indigo misent sur la proximité et la volonté de tous pour s’entraider.
Autre solution : développer l’habitat alternatif comme l’habitat intergénérationnel, et de prioriser l’approche domiciliaire dans les Ehpad. « (…) ces habitats offrent une voie médiane entre l’isolement absolu et total du domicile, et l’environnement contraignant des Ehpad », selon le président des Petits Frères des Pauvres.
Enfin, les initiatives solidaires de la crise restent des efforts à poursuivre, notamment le Service Civique Solidarité Seniors mobilisant 10 000 jeunes pour accompagner 300 000 personnes isolées sur 3 ans, depuis le printemps 2021.